Pointage annuel du profil des usagères et usagers des centres à bas-seuil d’accès du canton de Vaud : PAPU 2018

Abstract

L’étude PAPU (Pointage Annuel du Profil des Usagères et Usagers) s’inscrit dans le cadre des actions de santé publique et sociales pour lutter contre les méfaits de la consommation d’alcool, de stupéfiants et de médicaments non prescrits du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) du canton de Vaud. Elle a pour but de récolter les données nécessaires au renseignement régulier des indicateurs concernant le profil des usagers des centres à bas-seuil d’accès (CABS) pour les consommateurs de substances psychoactives du canton : La Fondation ABS à Lausanne (la Terrasse, le Passage, le Distribus et l’Espace de consommation sécurisé), Zone Bleue à Yverdon, Entrée de Secours à Morges et à Nyon et la Fondation AACTS à Vevey.

L’étude PAPU est une enquête anonyme, transversale et multicentrique. Pour la troisième année consécutive, elle a été proposée sur une semaine entière (du 5 au 11 novembre 2018) à l’ensemble des CABS du canton, selon leurs jours et heures d’ouverture. Le questionnaire, auto-administré et disponible en français, était proposé par les collaborateurs des CABS à toute personne fréquentant leur structure.

Les CABS estiment à environ 585 usagers fréquentant les structures vaudoises par semaine. Au total, 123 personnes (21%) ont refusé de participer et 257 questionnaires valides (44%) ont pu être utilisés pour les analyses.

Caractéristiques sociodémographiques des usagers des CABS

Plus des trois quarts des usagers sont des hommes. L’âge moyen est de 42 ans (médiane à 41.0 ans). La majorité est de nationalité suisse (62%) et, parmi les usagers de nationalité étrangère, environ un tiers a déclaré un permis de séjour non valable pour la Suisse.

Peu d’usagers ont un travail à temps plein (8%). Les principales sources de revenu déclarées sont l’aide sociale (42%) et les assurances sociales (28%). Une faible proportion déclare obtenir des revenus en faisant la manche (10%) ou en recourant au travail du sexe (1%).

Près des deux tiers (66%) des répondants avaient un domicile fixe au cours du dernier mois, 31% étaient sans domicile fixe et 2% ont séjourné dans une institution. Malgré le fait que certaines structures proposent des repas à midi, une proportion importante d’usagers déclare rester des journées entières sans manger (40% parfois/souvent) ou n’avoir en général aucun ou un seul véritable repas complet dans la journée (53%). Cependant, la très grande majorité des usagers des CABS ont eu accès à des équipements sanitaires de base pour se laver (90%) et faire une lessive (80%) au cours du dernier mois.

Consommation de substances psychoactives

Comme observé en 2017, les substances les plus consommées sont l’alcool (69%) et le cannabis (64%), suivies par la cocaïne (50%), l’héroïne (49%), le crack (30%) et les benzodiazépines non

prescrites (27%). Concernant les consommations très fréquentes (plus de 21 fois par mois), le cannabis est en tête (31%), suivi de près par l’alcool (27%).

La quasi-totalité des consommateurs d’héroïne (96%) et des usagers de cocaïne (96%) sont des poly-consommateurs. Les autres substances consommées sont toujours les mêmes, par ordre d’importance, quelle que soit la substance principale de choix : alcool, cannabis, cocaïne (pour les héroïnomanes) / héroïne (pour les cocaïnomanes), suivi du crack et des benzodiazépines non prescrites.

La proportion des usagers à s’être injecté des drogues au cours des 30 derniers jours est de 29% (n=71) pour l’ensemble des CABS. C’est au Distribus, bus mobile d’échange de matériel de consommation stérile, que l’on observe la proportion la plus importante d’injecteurs avec plus de la moitié de ses usagers concernés (65%).

En 2018, parmi les injecteurs de substances psychoactives, 59% indiquent que leurs consommations par injection ont principalement eu lieu dans un endroit privé, 29% dans un lieu public extérieur (forêt, parc, etc.), 7 % dans un local public (café, pub, wc, entrée d’immeuble, etc.) et 4% dans un local de consommation.

Le mode d’élimination du matériel d’injection usagé le plus souvent rapporté par les consommateurs par injection est l’échange contre des seringues neuves dans une institution (78% le font souvent/toujours). Un cinquième des injecteurs (20%) ont déjà échangé souvent ou toujours leurs seringues usagées contre des seringues neuves à l’automate de Lausanne (EchangeBOX). Le recours régulier au littering, défini comme l’abandon de déchets sur la voie publique, a été déclaré par 2% des usagers injecteurs.

Sur l’ensemble des répondants à l’enquête, la moitié (56%, n=127) a déclaré avoir inhalé et/ou sniffé des substances psychoactives au cours des 30 derniers jours. Pour une majorité d’entre eux, ces consommations ont principalement lieu dans un endroit privé (56%) ou dans un lieu public extérieur (34%). Très peu de répondants indiquent que leurs consommations par inhalation et/ou sniff ont principalement lieu dans d’autres espaces.

Finalement, 36% des répondants indiquent avoir eu un contrôle de police en lien avec la consommation de substances psychoactives au cours des 12 derniers mois.

Indicateurs d’exposition au risque de transmission du VIH et du VHC

Au cours du dernier mois, 3% des usagers injecteurs ont donné une seringue à une autre personne après l’avoir utilisée et 6% s’est déjà injecté avec une seringue utilisée par une autre personne. Concernant le partage du reste du matériel servant à l’injection, significativement moins d’injecteurs indiquent avoir utilisé la même cuillère que quelqu’un d’autre en 2018 qu’en 2017 (10% vs 26%) ainsi que le même coton (0% vs 6%). Par ailleurs, parmi les répondants ayant indiqué avoir consommé par inhalation et/ou sniff (n=127), 34% s’est servi de matériel (paille, billet, embout, pipe, etc.) déjà utilisé par une autre personne au cours du dernier mois.

Un peu moins de la moitié des répondants a eu des relations sexuelles avec un partenaire stable au cours des 6 derniers mois (47%), les trois quarts n’ont pas systématiquement utilisé le préservatif avec ce type de partenaire (75%). Un peu moins d’un tiers des répondants a eu des relations sexuelles avec un partenaire occasionnel au cours des 6 derniers mois (31%). Près de deux répondants sur cinq n’ont pas systématiquement utilisé le préservatif avec ce type de partenaire (37%).

Traitements agonistes opioïdes

La moitié (60%) des répondants déclare suivre actuellement un traitement par agoniste opioïde. Parmi eux, la durée moyenne en traitement est de 9 ans (min-max : 1 mois -31 ans). La majorité des usagers est sous traitement à la méthadone (59%), suivi par la morphine par voie orale (35%). Les autres médicaments concernent une plus faible proportion de répondants sous traitement agoniste opioïde.

Indicateurs de l’état de santé

Une part en augmentation des usagers indique être en bonne ou très bonne santé (42% en 2017 vs 53% en 2018).

La quasi-totalité des usagers a déclaré avoir fait un test pour le VIH au cours de la vie (90%) et plus de la moitié au cours des douze derniers mois (60%). Parmi les usagers ayant été testés au cours de la vie pour le VIH, 94% ont déclaré un statut séronégatif au dernier test.

Pour l’hépatite C, 39% des usagers des CABS ont déjà eu un diagnostic positif au cours de leur vie. Le taux de répondants testés positifs au HCV indiquant toujours avoir l’hépatite C et ne pas être en traitement a significativement diminué entre 2017 et 2018 (53% vs 26%) au profit d’une hausse des répondants souffrant de l’hépatite C déclarant toujours être atteint mais être en traitement (16% en 2018) ou avoir guéri suite à un traitement (36% en 2018).

Espace de consommation sécurisé

Sur l’ensemble des répondants, 18% (n=42) indiquent être allé à l’Espace de consommation sécurisé au cours des 30 derniers jours. Les conditions d’hygiène de ce lieu (accès à du matériel de consommation propre et possibilité de consommer dans un lieu propre) sont des éléments qui satisfont le plus grand nombre d’usagers de l’ECS ainsi que le temps d’attente (inexistant au moment de l’enquête), l’accueil qui leur est réservé et les aspects de sécurité (conseil et soutien des professionnels et consommation en sécurité). Parmi les règles énoncées, le fait de ne pas pouvoir utiliser son matériel plus d’une fois, l’interdiction de s’injecter dans certaines parties du corps ou la présence de professionnels sont celles qui satisfont un plus grand nombre d’usagers.

Parmi les répondants qui ne sont pas allés à l’ECS, trois raisons sont particulièrement souvent évoquées pour expliquer ce non-recours à cette structure : le fait de préférer consommer à la maison ou dans un endroit privé (42%), le fait de ne pas avoir eu l’occasion ou besoin de cette structure (39%) ou le fait de ne pas connaître cette prestation (33%).