Les comportements face au VIH/Sida des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes. Enquête Gaysurvey 2014

Abstract

Résumé

Depuis 1987, Gaysurvey est une enquête menée périodiquement en Suisse parmi les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Elle s’inscrit dans le dispositif de surveillance du VIH, établi par l’Office fédéral de la santé publique, en tant qu’instrument de suivi des comportements face au VIH/Sida dans ce groupe-cible. Elle a déjà été réalisée à dix reprises.

L’enquête Gaysurvey 2014 était disponible en ligne sur Internet et consistait en un questionnaire anonyme auto-administré. Le nombre de participant est de 834 personnes.

Pour sa onzième édition, Gaysurvey reste un instrument pertinent du suivi des comportements des HSH face au VIH/Sida. Certaines tendances observées ces dernières années ont été confirmées, de nouveaux thèmes ont été abordés et de nouveaux éléments de réflexions apportés.

Caractéristiques socio-démographiques

L’âge médian des participants, relativement stable depuis le début du suivi, augmente en 2014 et se monte à 40 ans. Globalement, on observe depuis 10 ans une proportion toujours plus importante de répondants ayant suivi une formation supérieure (62% en 2014). La proportion de répondants de nationalité étrangère est également en nette augmentation avec 19% de HSH concernés (+6 points depuis 2007). La population étudiée reste en majorité urbaine avec 42.3% des répondants habitant une agglomération de plus de 100'000 habitants, proportion qui a diminué de 12 points depuis le début du suivi (1992 : 54.3%). Le plus grand nombre habite en Suisse alémanique (49.2%).

Orientation sexuelle

L’orientation sexuelle peut être décrite en utilisant trois composantes : l’auto-identification, l’attirance sexuelle et le comportement sexuel. La proportion de répondants se déclarant homosexuels est toujours plus importante avec 84.1% des répondants s’identifiant comme tel en 2014. Une très grande majorité, près de 9 sur 10, se sent attirée sexuellement ‘seulement’ ou ‘principalement’ par les hommes et a également eu une activité sexuelle exclusivement homosexuelle au cours des douze derniers mois (87.2%).

L’activité sexuelle

Concernant le niveau d’activité sexuelle, la proportion de répondants ayant eu des rapports pénétratifs avec un nombre important de partenaires (6 ou plus) au cours des 12 derniers mois reste élevée en 2014 (28.5%) mais stable. Le nombre médian de partenaires avec pénétration anale reste également très stable (médiane à 2). La pratique du sexe à plusieurs est en légère hausse et concerne 34.8% des répondants.

Le partenaire stable

Plus de la moitié des répondants mentionne avoir eu un partenaire stable au cours des douze derniers mois et les relations sexuellement exclusives restent peu fréquentes : 69.1% ont également eu des relations sexuelles avec un ou des partenaires occasionnels. On observe une diversification des pratiques sexuelles entre partenaires stables. La pratique de la pénétration anale au sein du couple tend à diminuer légèrement depuis 2012 et représente 77.7% des répondants en 2014. L'expérience de "plan à plusieurs" (sexualité en groupe incluant le couple) a révélé une prévalence de 20.7% en 2014, la plus importante depuis la mesure de ce comportement.

Alors que la pénétration anale demeure une pratique très largement usitée en 2014, la diminution de l’utilisation systématique de préservatifs se poursuit, indépendamment de l’âge des répondants (moins de 30 ans versus plus de 30 ans). Cette utilisation non systématique concerne 73% d’entre eux. La progression de l’abandon de la protection au sein du couple stable reste particulièrement forte chez les répondants séropositifs (71% en 2014, +35 points depuis 1992).

La majorité des HSH ont évoqué, avec leur partenaire stable, la manière de se protéger du risque d'infection et une partie d'entre eux a choisi de faire le test au sein du couple et d'abandonner le préservatif en cas de séroconcordance négative (38.7%). Toutefois, comme relevé précédemment, nombre de couples ne sont pas exclusifs sexuellement et tous les couples ne connaissent pas le statut sérologique des deux partenaires. De fait, le tiers des couples (34.9%) se trouve dans cette situation indéterminée et 45.8% d'entre eux ne se protègent pas systématiquement. Il persiste donc un sérieux risque de transmission du VIH et des autres IST au sein des couples. Ce risque ne semble pas perçu suffisamment puisque le niveau d'inquiétude quant au risque d'infection au sein du couple reste très bas dans l'ensemble.

Le(s) partenaire(s) occasionnel(s)

Un peu moins des trois quarts des HSH rapportent avoir eu des relations sexuelles avec des partenaires occasionnels au cours des douze derniers mois, proportion relativement stable depuis 2007. Par contre, la diversification des pratiques sexuelles, l'augmentation de la pratique de la pénétration anale (86.2% en 2014, +29 points depuis 1992) et d'autres pratiques susceptibles de représenter un risque de transmission d'IST (par ex. sexe oral-anal : 69.2%) se poursuivent.

Tout comme pour les couples stables, la diminution de l’utilisation systématique de préservatifs (64.1% en 2014, -17 points depuis 1992) se poursuit, indépendamment de l’âge du répondant (+/- 30 ans) mais aussi de son statut sérologique. On note également depuis 1994 une augmentation de la proportion de répondants déclarant avoir reçu du sperme dans la bouche lors de rapports occasionnels (34.0% en 2014, +22 points depuis 1994).

Une partie des personnes rapportant des situations de pénétration anale non protégée mentionnent aussi utiliser des pratiques de réduction des risques telles que le sérosorting (37.8%), le positionnement stratégique (30.8%) ou le retrait avant éjaculation (51.9%, + 20 points depuis 2007) dans le but explicite d’éviter une infection par le VIH.

L’indicateur global d’exposition au risque

La proportion de HSH, ayant eu au moins un rapport non protégé avec un partenaire de statut sérologique différent ou inconnu dans les douze derniers mois, est en constante augmentation depuis 1994 (+9 points, 19.5% en 2014). Cette tendance à la hausse concerne plus particulièrement les 30 ans et plus. Cette pratique est fortement associée au fait d'être séropositif, d'avoir eu de nombreux partenaires (6 ou plus) et d’avoir consommé des produits (alcool, drogues) lors de rapports sexuels.

Chez les répondants séropositifs, le fait d’avoir eu au moins un rapport non protégé avec un partenaire de statut sérologique différent ou inconnu dans les douze derniers mois est indépendant du fait de suivre un traitement ou pas et de la virémie (détectable vs. indétectable). La connaissance de la virémie ne semble donc pas modifier profondément les comportements. Cela confirme la persistance d’un risque de transmission du VIH et des autres IST.

Concernant les répondants testés séronégatifs au cours des douze derniers mois, environ un cinquième a eu un rapport non protégé avec un partenaire de statut sérologique différent ou inconnu dans les douze derniers mois. Cette proportion est élevée mais stable depuis 2004. Un certain nombre de ces répondants est susceptible d’avoir été en phase de primo-infection durant l’année 2014.

Le test du VIH et autres IST

La proportion de répondants testés pour le VIH au cours de la vie a augmenté depuis 2012 (+6 points) et concerne 81.3% des répondants. Environ deux répondants sur cinq (39.8%) ont réalisé un test au cours des douze derniers mois, la tendance est également à une légère augmentation.

Malgré une tendance à la hausse, moins de la moitié des tests sont précédés d'un counselling, encore moins sont suivis d'un conseil post test. On trouve de grandes différences selon le lieu de test : les centres de test anonyme offrent presque systématiquement un counselling, alors qu’il est peu proposé chez les médecins, lieu où sont pratiqués la majorité des tests.

La grande majorité des répondants (77.5%) ont déjà fait un test de dépistage des IST au cours de leur vie. La moitié en a réalisé un au cours des douze derniers mois. En 2014, les répondants ont principalement été diagnostiqués positifs pour la syphilis (12.3%), l’infection à chlamydia (11.8%) et la gonococcie uro-génitale (9.6%).

Les répondants non testées pour les IST au cours des douze derniers mois ont donné comme raisons principales de ne pas avoir pensé être à risque d’être contaminé (61.7%) et de ne pas avoir eu de symptômes (60.9%). Ce dernier point suggère que le caractère asymptomatique de certaines IST est peu intégré.

Personnes séropositives pour le VIH

Parmi l’ensemble des répondants séropositifs ou atteints du sida, la tendance reste stable par rapport à 2012 avec 92.4% des répondants recevant un traitement antirétroviral (+28 points depuis 2007) et 23.8% déclarant avoir une charge virale détectable au dernier examen de virémie.

La proportion de dépistages tardifs ('avoir eu moins de 350 C/μl lors du diagnostic de séropositivité'), parmi les répondants diagnostiqués entre 2003 et 2014, est très variable (entre 14% en 2013 et 57% en 2010). 18% des répondants testés séropositifs (N=2) en 2014 ont été testés tardivement.

Rapports sexuels à l’étranger

On assiste à une forte hausse de la proportion de répondants ayant eu un rapport sexuel à l'étranger avec un homme ne vivant pas en Suisse au cours des douze derniers mois (2012 : 29.9% vs 2014 : 40.8%, soit +11 points). La prévalence rapportée du VIH au sein de ce groupe est supérieure à celle de la totalité des répondants à Gaysurvey 2014 (21.2% vs. 15.5%).

Rapports sexuels tarifés

Alors que la proportion de HSH ayant payé pour un rapport sexuel était stable depuis 20 ans, l’augmentation amorcée en 2012 se confirme. Cette proportion s’élève à 16.3% des répondants en 2014. Quelles que soient les pratiques, on constate une augmentation des rapports non protégés avec des travailleurs du sexe au cours des douze derniers mois. En 2014, 87.9% des clients se sont parfois ou jamais protégés lors de fellations (+10 points) et 18.1% lors de pénétrations anales (5 points).

Le fait d’avoir été payé pour du sexe reste une pratique stable depuis 1992 et concerne environ 2.6% des répondants en 2014.

Santé mentale et homonégativité intériorisée

Pour la seconde fois dans l’enquête Gaysurvey, la santé mentale des répondants a été évaluée. La proportion de répondants en situation de détresse psychologique sévère est identique à 2012, soit 10.9% des répondants concernés. La proportion de répondants se trouvant en situation de bien-être altéré est par contre légèrement inférieure à la dernière enquête, soit 27.2% des répondants concernés contre 32% en 2012. De même, la proportion de répondants en probable dépression est de 7.8% versus 9% en 2012. Enfin, le sentiment d’homonégativité intériorisé (perception négative de l’homosexualité intériorisée par les personnes ayant une orientation homosexuelle) est faible pour l’ensemble des répondants.

La fréquence des atteintes à la santé mentale (en se basant sur les trois indicateurs décrits ci-dessus) est non négligeable chez les HSH. Les moins de 25 ans sont particulièrement concernés par la détresse psychologique. L’homonégativité intériorisée reste faible en Suisse quelle que soit l’âge des répondants. Ces atteintes sont associées au risque de transmission du VIH mais pas à un moindre recours au test VIH au cours des douze derniers mois.

Sentiment d’appartenance à la communauté LGBT

Dans l’ensemble, les répondants ont un faible sentiment d’appartenance à la communauté LGBT de leur région.

Les répondants ayant un fort sentiment d’appartenance ne prennent pas plus de risque par rapport au VIH que les autres répondants. En revanche, un fort sentiment d’appartenance est associé à un recours au test VIH plus important au cours des douze derniers mois.

Mauvais traitements, violences verbales et physiques

Concernant les expériences de violences ou de mauvais traitements au cours des douze derniers mois, les tendances restent identiques à 2012 : 44.8% se sont abstenus de comportements permettant de les identifier comme gay (ex. : tenir la main de son partenaire en public) de peur d’être victimes de violences verbales ou physiques et 22.7% se sont sentis dévisagés ou intimidés parce que quelqu'un savait ou supposait qu'il était attiré par les hommes. Pour des raisons identiques, 15.4% des répondants ont subi des insultes verbales et 1.4% des répondants déclarent avoir subi des violences physiques dues à leur préférence sexuelle au cours des douze derniers mois. Les moins de 35 ans sont plus particulièrement touchés.

Seuls trois répondants sur cinq (61.4%) savent où déclarer ces violences verbales ou physiques, les plus jeunes étant les moins bien informés.

Consommation de substances

La consommation régulière de produits lors de relations sexuelles reste fréquente. L’alcool arrive en tête (49.8%), suivi des poppers (33.2%), du Viagra® (20.8%) et enfin du cannabis (14.7%). On constate principalement une augmentation de 12 points de la consommation régulière ou fréquente de Viagra (ou Cialis) depuis 2004, une baisse de la consommation d’alcool (-9 points) et une relative stabilité concernant les autres substances.

Connaissance de la primo-infection

Nous constatons une nette amélioration des connaissances sur la primo-infection depuis l’enquête Gaysurvey 2009.

Malgré cela, certaines lacunes persistent et les connaissances pourraient être améliorées notamment au sujet du possible caractère asymptomatique de la primo-infection ainsi que sur les symptômes pouvant accompagner une primo-infection par le VIH.

La PEP (Prophylaxie post-exposition)

La PEP semble bien connue des HSH mais assez peu prescrite à ce jour : 9% des répondants 2014 l’ont utilisée une ou plusieurs fois au cours de leur vie.

La PrEP (Prophylaxie pré-exposition)

Même si on constate une augmentation de la proportion de répondants ayant entendu parler de la PrEP, ils semblent peu informés sur le sujet.

Les campagnes de prévention du VIH/Sida et autres IST

La moitié des répondants (54.2%) ont remarqué une action de prévention qui ciblait en particulier les gays au cours des douze derniers mois. Parmi eux, les trois quart (77.2%) ont mentionné la campagne Break The Chains et la moitié (55.8%) a mentionné la campagne Stop Syphilis.