Santé des jeunes en rupture d'apprentissage: une recherche-action sur les modalités de soutien, les déterminants de la santé et les facteurs favorisant une réinsertion socio-professionnelle

Abstract

Contexte: Toutes les études sur les jeunes en rupture de formation montrent qu'il existe un lien entre consommation de produits psychotropes et désinsertion scolaire et professionnelle, mais la relation de causalité qui les associe reste encore à définir.

Objectifs: (1) définir les déterminants des résiliations de contrats d'apprentissage (2) identifier les facteurs qui contribuent à la marginalisation et à l'abus de substances, ou au contraire à la réinsertion des jeunes (3) tester l’efficacité d’un programme d’accompagnement de ces jeunes.

Méthode: Le collectif investigué est constitué d'environ 200 jeunes des cantons de Vaud et du Valais romand ayant rompu un contrat d'apprentissage entre janvier et décembre 1995 et n'ayant pas repris d'activité scolaire ou professionnelle dans un délai de 2 mois. Il est réparti en 2 groupes: (1) un groupe "expérimental" faisant l'objet d'un bilan initial, d'un bilan final et d'un accompagnement par une équipe pluridisciplinaire (2) un groupe "témoin" faisant l'objet d'un bilan initial et final, mais sans accompagnement spécifique. Le contenu de l'accompagnement, souple et personnalisé, des jeunes du groupe expérimental, est défini par l'équipe et le réseau de soutien mis en place. Il est mené dans le registre scolaire et professionnel, sanitaire, psychologique et social, en collaboration avec les structures et institutions existantes. Les bilans initial et final sont réalisés au moyen d'entretiens approfondis et de questionnaires remplis par le jeune de façon volontaire et en présence d'un des chercheurs.

Résultats: La réalisation des analyses multivariées prenant en compte les données recueillies lors des deux bilans montre que les facteurs prédicteurs de la réinsertion sont l'activité des parents et leur niveau de formation ; ces facteurs sont particulièrement influents sur la stabilité à long terme de la réinsertion. Un autre élément important est la perception qu'ont les adolescents de l'intérêt de leur patron et de leurs enseignants pour eux-mêmes et ce qui leur arrive. Un autre groupe de résultats indique que c'est la reprise d'une formation qui influence les consommations (tabac, haschich, LSD/XTC) et les variables psychologiques (motivation, bien-être, estime de soi) plutôt que l'inverse. Enfin, les analyses soulignent à la fois les limites de l'accompagnement tel qu'il était défini (liées à un fonctionnement insuffisamment adapté aux spécificités de chaque jeune et à un manque de moyens pour faire face aux situations difficiles) et ses atouts: repérage des situations à risque de marginalisation, action positive sur les perceptions des jeunes (perception de la formation comme voie privilégiée vers l'intégration sociale, appréhension des mécanismes personnels en jeu dans les difficultés scolaires et professionnelles).

Implications: Ces données permettent de définir plusieurs stratégies possibles en matière de prévention: (1) sensibilisation des maîtres d’apprentissage, des patrons et des enseignants en leur montrant l’importance cruciale de leur rôle (2) organisation d'un appui spécifique pour les adolescents dont les parents ont un niveau de formation peu élevé ou ne travaillent pas (3) mise en place d'un accompagnement adapté à la diversité des situations des jeunes et doté de moyens lui permettant d'agir depuis la première évaluation de leurs besoins et demandes, jusqu'à la mise en place d'un processus solide de réintégration. L’ensemble de ces mesures permettrait d’exercer une action préventive sur les problèmes de toxicomanies. Pour le lecteur pressé, une synthèse du rapport est proposée au chapitre 9.