Evaluation épidémiologique du programme valaisan de dépistage du cancer du sein, 2013-2017

Abstract

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez les femmes en Valais et en Suisse. Chaque année 250 Valaisannes en sont atteintes et 50 en décèdent. Cependant, tant l’incidence que la mortalité du cancer du sein diminuent en Valais chez les femmes dans la tranche d’âge de 50 à 69 ans.

Le programme valaisan de dépistage du cancer du sein existe depuis octobre 1999 et a pour but de promouvoir, organiser et réaliser l’action de dépistage auprès de la population féminine du canton entre 50 et 70 ans. Des évaluations indépendantes et régulières permettent de s’assurer que la qualité et l’efficacité d’un programme de dépistage répondent à des normes internationales, périodiquement révisées.

L’évaluation épidémiologique du programme valaisan a été confiée au département Epidémiologie et systèmes de santé du Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne (Unisanté)a, en charge de l’évaluation de nombreux programmes de dépistage en Suisse.

Ce rapport décrit l’activité du programme entre 2013 et 2017 (section 2) et analyse son utilisation (section 3), sa qualité (section 4) et son efficacité (section 6). Il traite aussi, pour la première fois, les échographies complémentaires recommandées pour seins très denses (section 5).

Outre les indicateurs usuels de performance, l’analyse couvre certains effets indésirables du dépistage comme les résultats faussement positifs ou les cancers survenant entre deux examens de dépistage (cancers d’intervalle). Les résultats présentés dans ce rapport se basent sur 63'382 mammographies et plus de 34'000 femmes.

Le nombre annuel de mammographies effectuées par le programme valaisan de dépistage s’est stabilisé au cours de la période 2013-17, alors que le nombre de radiologues 1e lecteurs (R1) a diminué substantiellement sous l’effet de mesures prises par la direction du programme.

Malgré l’augmentation résultante du volume de lectures par radiologue (634/an par R1) celui-ci reste en-dessous des standards recommandés en Suisse, alors que les R2 (moyenne de 2087 lectures/an) atteignent le seuil minimal. L’ouverture du programme aux femmes jusqu’à 74 ans, la poursuite des mesures actuelles et l’adoption de mesures complémentaires suggérées dans ce rapport devraient permettre de viser les seuils de lecture préconisés en Suisse pour les radiologues oeuvrant dans les programmes organisés de dépistage.

Le taux de participation au programme est élevé, avec près de six femmes sur dix (56,8%) invitées entre 2013 et 2017 qui ont participé. Parmi elles, neuf sur dix (89,4%) reviennent régulièrement. Ces taux de participation et de fidélisation sont restés stables entre 2013 et 2017, hormis une légère augmentation de la participation en première invitation. Ce dernier constat est encourageant sachant que la participation en première invitation est un prédicteur fiable des tendances participatives.

En tenant compte du dépistage opportuniste hors programme, la couverture par mammographie de la population féminine valaisanne approche les normes européennes.

Les taux de reconvocation entre 2013 et 2017 ont sensiblement baissé par rapport à la période d’évaluation précédente. Avec 4,8% des femmes rappelées suite à un résultat jugé suspect en première participation et 2,3% en participation ultérieure, ces résultats satisfont les normes européennes. Le taux de détection (5 cancers pour 1000 mammographies) du programme valaisan a légèrement diminué par rapport à 2002-2011.

La fréquence des cancers d’intervalle du programme valaisan est de l’ordre de 2 cas pour 1000 mammographies, ce qui est conforme aux normes européennes. Un tiers des cancers d’intervalle avait fait l’objet d’un signalement de lésion suspecte par au moins un radiologue lors du dernier dépistage, mais ont été négativées par le processus de lectures multiples.

La performance de la mammographie est compromise en cas de seins très denses (environ 4% des Valaisannes) et le risque de cancer d’intervalle est accru. Depuis début 2013, le programme valaisan recommande une échographie complémentaire aux femmes en question en cas de mammographie négative. Les 1786 échographies complémentaires réalisées entre 2013 et 2017 ont permis la détection de 9 cancers. Pour la période de 2013 à 2016, cela résulte en un taux de détection de 4,4 cancers pour 1000 échographiesb, soit 1,5 cancers par an.

Les performances du programme valaisan en termes d’efficacité et de précocité diagnostique respectent les normes européennes et sont comparables aux autres programmes suisses. Sur 10 cancers invasifs dépistés entre 2013 et 2017, 7 sont de taille inférieure ou égale à 10mm et 8 n’ont pas d’atteinte ganglionnaire.

La comparaison des profils cliniques des cancers dépistés avec les cancers d’intervalle et les cancers diagnostiqués sur une base symptomatologique confirment que le programme valaisan de dépistage permet de détecter des cancers à un stade plus favorable. Le pronostic des cancers d’intervalle est aussi généralement plus favorable que celui des non-participantes au programme chez qui un cancer du sein a été diagnostiqué sur la base de symptômes.

Globalement, les performances du programme valaisan de dépistage entre 2013 et 2017 se traduisent, pour 1000 participations, par 968 résultats normaux (vrais négatifs), 21 résultats faussement positifs (dont 6 donnent lieu à un examen invasif), 5 cancers dépistés (1 in situ, 3 de stade précoce et 1 de stade avancé) et 2 cancers d’intervalle (sensibilité du programme: 75,4% ; spécificité du programme: 97,6%).

Trois recommandations accompagnent ce rapport d’évaluation :

• Poursuivre les mesures visant à augmenter le volume annuel de lectures par radiologue

− L’atteinte des standards suisses préconisés est réaliste et devrait mener à une amélioration des indicateurs de qualité et de précocité diagnostique.

• Objectiver la mesure de la densité mammaire

− La recommandation d’une échographie complémentaire repose sur une évaluation subjective de la densité, sujette à une forte variabilité inter-lecteurs.

• Approfondir et systématiser l’enregistrement des informations sur les échographies additionnelles et les intégrer dans MC-SIS

− Les informations actuelles sont insuffisantes pour mener une évaluation rigoureuse de l’apport de l’échographie complémentaire. Cette recommandation est d’autant plus importante que la plus-value de l’échographie complémentaire n’est, sur le plan scientifique, pas clairement avérée.

En conclusion, les résultats montrent une utilisation, une qualité et une efficacité bonnes et stables dans le temps du programme valaisan de dépistage.